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mardi 16 avril 2024

Point d'histoire

 Histoire au bout de la pelle

        Quand la ville se raconte

               Saint Denis retrouvé

                                                                                                             ________________

IA générative en question

 Une évolution (ou révolution) sans nuages?

                  Pas si simple. Les récents bonds en avant de l'intelligence dite artificielle suscitent des réactions parfois enthousiastes, mais aussi des réserves. A juste titre. Les nouvelles familles de générateurs de textes ne semblent pas engendrer de réticences dans certains domaines, où on y voit à un outil rapide, précieux et rentable pour effectuer certaines tâches jusque là dévolues aux hommes, même dans des domaines où une certaine créativité était requise. Pas seulement au niveau des plate formes qui ne jurent que par une numérisation renforcée. Pour le meilleur ou pour le pire....Aide à la décision parfois, dans des domaines complexes, mais aussi cyber-contrôles renforcés. L'ambiguïté est totale. On voit bien qu'il va falloir instaurer des règles, au niveau international, ce qui ne va pas être simple.                                        _______Dans de multiples domaines, parfois les plus basiques, les plus triviaux, le recours à l'IA révèle vite ses limites et démystifie même le caractère "intelligent" qu'on lui attribue par convention. Il y a là des sources de nombreuses confusions. La prudence s'impose, à l'encontre de nombreux emballements, pour ne pas céder à la naïveté ou à la mystification parfois. Ce n'est pas madame Soleil non plus...Certains métiers, même dans le domaine artistique, seront durablement affectés par l'introduction sans précaution de l'IA générative. Déjà  Google a supprimé 3000 emplois. Rançon du progrès? Sauf que cette innovation risque de progresser à vitesse géométrique, même dans des domaines que nous ne soupçonnons pas encore. On peut aller plus loin dans les réticences légitimes:                                                                                                                                   "...Si l’on met de côté les gourous qui ont commencé à prophétiser la Singularité et à adorer une nouvelle idole sous la forme d’une Superintelligence Artificielle, de nombreuses personnalités ont pris la mesure des enjeux et se sont attelées à éveiller l’opinion.   L’initiative la plus emblématique est peut-être celle du Future of Life Institute (FLI), fondé en 2014 par le physicien Max Tegmark et le fondateur de Skype, Jaan Tallin, sous le patronage de célébrités telles que Elon Musk et feu Stephen Hawking.  Le FLI voit dans l’IA une extraordinaire source de bienfaits pour l’humanité, mais également une source de risque majeur, voire « existentiel ».  Il exhorte, par conséquent, à promouvoir la recherche dans le domaine, encore embryonnaire, de la Sécurité de l’IA (AI Safety). Cette approche s’appuie sur le concept central d’alignement des valeurs (Value Alignment).  Je cite : « Les IA fortement autonomes devraient être conçues de telle sorte que leurs objectifs et leurs comportements coïncident à tout moment avec les valeurs humaines », lesquelles sont, je cite toujours : « la dignité, les droits et libertés, la diversité culturelle ». L’un des attendus du développement de l’IA est de profiter et « donner du pouvoir » (empower) au plus grand nombre...."                                                                                                           ______  Il y a peu, j'écrivais ceci, qui reste d'actualité: Dans l'univers varié de l'IA, omniprésent et discuté, un monde de nouveautés inédites, mais qui apparaît comme une menace dans certains secteurs d'activité. Ou du moins une ambigüité Un vrai tournant demandant une réflexion critique. Bruxelles s'y attelle, à l'échelle de l'Europe. Cela va très vite et il convient de faire le partage entre mythe et réalité, usages justifiés et contestables. Prudence! ___ GPT-4, notamment suscite des interrogations particulières, étant données ses applications actuelles et à venir et ses retombées dans le monde du travail et de la culture. Le système Gémini pose notamment des problèmes inédits, qu'il importe d'analyser et de résoudre. Certaines positions, un peu trop enthousiastes, méritent d'être analysées et remises en question, du moins partiellement. Bientôt ce sera dans la poche. C'est l'esprit critique qui peut être remis en question. Mais pas seulement. Avec un accès  presque gratuit, on comprend qu'il importe de prendre les devants. Mais comment? L'enthousiasme béat n'est pas de mise.


   
                                                                                                                     Le risque est grand d'un chaos informationnel inédit. "...En permettant de manipuler les contenus à l’envi, l’intégration de systèmes d’IA générative aux smartphones risque de provoquer la prolifération de deepfakes et d’accentuer la diffusion de ces contenus faux mais crédibles. Ceci pourrait compromettre davantage la crédibilité des informations en ligne et entraîner un chaos informationnel généralisé.  Sans compter un risque qui peut s’avérer mortel : l’explosion potentielle du cyberharcèlement, notamment via le « deepfake porn », une pratique violente qui a émergé en 2017 et qui va se trouver « facilitée » avec l’arrivée de l’IA générative dans les smartphones. Les modèles génératifs peuvent créer des données : des images par exemple, qui ressemblent de manière frappante à des données réelles. Cela peut donc être utilisé de manière malveillante pour créer des contrefaçons, des faux, des contenus trompeurs que ces derniers soient textuels et servent par exemple des arnaques comme le phishing, ou visuels : montages photos, montages vidéo (DeepFake). Par ailleurs, des données erronées peuvent être fabriquées par un modèle génératif malveillant. Celles-ci pourraient être utilisées dans les corpus d’apprentissage des futurs grands modèles de langage (large language models ou LLM, dont ChatGPT est l’exemple le plus connu) ou d’autres modèles d’intelligence artificielle.   En effet, certains modèles génératifs peuvent se révéler vulnérables à des « attaques par exemples contradictoires » (adversarial attacks, dont l’exemple classique pour un modèle de machine learning est d’introduire de fausses données dans la base de données d’apprentissage, provoquant un véhicule à voir une limitation de vitesse à la place d’un panneau-stop).  L’évolution de ce type d’adversarial attack cible désormais les IA génératives, par exemple avec le data poisoning.  "                                                       
À lire aussi : Appareils connectés et cybersécurité : imaginer des attaques pour apprendre à se défendre    ___________________

lundi 15 avril 2024

(Nouvel) éloge de la lecture

 Pas de doute! 

         Rien ne vaut un bon bouquin.

                                  Ça ne manque pas...

                                                                       _____________

Faire l'opinion

 Informer ou légitimer

        That is the question

                       L'objectif de tout organe de presse est bien de "faire l'opinion", de l'accompagner, de l'informer, de la constituer aussi, de l 'ouvrir au monde de manière rigoureuse, ce qui n'exclut pas des lignes éditoriales variées s'assumant entièrement, mais en respectant la liberté des lecteurs, ses capacités de choix, de sélection de ses interprétations et le pluralisme politique. Un équilibre délicat et parfois compliqué à trouver, résultat d'une forme de journalisme qui se veut autant que possible objective (non partisane au sens étroit), honnête, ouverte et nuancée. Ce qui est pas une fonction sans difficultés ni écueils. L'objectivité ne peut être dans ce domaine que l'aboutissement d'efforts constants et collectifs. Ce ne peut être qu'un idéal, mais une exigence nécessaire, surtout à l'heure ou beaucoup se détournent de la presse d'opinion.                                         Aujourd'hui, une certaine presse (écrite ou non, de plus en plus concentrée, se donne surtout pour tâche de conditionner l'opinion, sur la base de choix éditoriaux clairement assumés, ne faisant pas mystère de ses choix politiques du moment, montant à l'assaut de l'opinion. La concentration est la règle, comme la manipulation des faits et la pression sur les jugements,  mettant à mal les principes républicains et la fonction de journalistes, qui se démettent ou qui se soumettent....

Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, François Bayrou, Sébastien Lecornu, Rachida Dati, Édouard Philippe, Aurore Bergé, Catherine Vautrin, Sylvie Retailleau, Sarah El Haïry, Marc Fesneau, Christophe Béchu, Marlène Schiappa… On ne compte plus le nombre de figures de la majorité présidentielle, anciens ou actuels membres du gouvernement, qui se pressent chaque week-end dans les colonnes du Journal du dimanche, entre deux chroniques de Pascal Praud, trois éditoriaux de Charlotte d’Ornellas et une tribune de Marion Maréchal.    L’hebdomadaire d’extrême droite, dirigé depuis quelques mois par Geoffroy Lejeune, a même récemment recueilli les confidences diplomatiques d’Emmanuel Macron, parfaisant ainsi son entreprise de banalisation. La reprise en main brutale de Vincent Bolloré en juin 2023, les semaines de grève de l’ancienne rédaction, le départ contraint de dizaines de journalistes, la bataille culturelle assumée par les nouveaux dirigeants du titre, les fausses informations qui y sont parfois distillées… Plus rien ne dissuade le pouvoir d’alimenter le JDD. Bien au contraire.....Tout au début, pourtant, des voix s’étaient élevées contre la secrétaire d’État Sabrina Agresti-Roubache et le député Renaissance Karl Olive, qui s’étaient rués dans les pages des premiers numéros de la nouvelle formule. Sylvain Maillard, patron du groupe macroniste à l’Assemblée nationale, avait même demandé à ses troupes de ne pas s’exprimer dans l’hebdomadaire. Mais l’Élysée avait rapidement fait savoir qu’il n’était pas question de le boycotter et les rares scrupules des troupes présidentielles avaient disparu avec les derniers jours de l’été.   À la rentrée de septembre 2023, un ministre expliquait ainsi à Mediapart que « passé un délai de décence », tout le monde finirait par s’exprimer dans le JDD – ce qu’il a d’ailleurs lui-même fini par faire assez rapidement. Même la députée Renaissance Violette Spillebout, qui s’était pourtant mobilisée aux côtés des salarié·es en grève, a récemment réservé une exclusivité au journal – contactée, elle n’a pas souhaité répondre à nos questions. De quoi rebooster légèrement un titre dont les ventes accusent un repli continu. Mais surtout permettre à son rédacteur en chef de se frotter les mains.       ___                                                                                                                                    Le JDD est donc venu compléter la liste des médias Bolloré auxquels les membres du gouvernement et de la majorité apportent régulièrement leur caution : C8, Paris Match, Europe 1 et évidemment CNews. En quelques années, la chaîne dirigée par Serge Nedjar a littéralement envahi les palais de la République, où elle est devenue un bruit de fond quotidien. « Avant, les télévisions qui sont allumées en continu à l’Élysée ou dans les ministères étaient surtout branchées sur BFM. Désormais, de plus en plus de gens mettent CNews », confirme un conseiller de l’exécutif.                                                                            Une position parfaitement assumée au plus haut niveau de l’État. « CNews, c’est la fabrique de l’opinion, affirme l’entourage du président de la République. Contrairement aux autres chaînes d’info, ils offrent un sens – en expliquant toute la journée que la France n’est plus la France – et une perspective – le retour de la France contre-révolutionnaire sur des valeurs catholiques ultratradis. » Et d’ajouter : « Ce qui est important, ce n’est pas le médium, mais le public. Si on regarde CNews, c’est d’abord pour savoir ce que pensent huit millions de Français. »       ___« Parler à tout le monde », « aller convaincre là où les gens vous écoutent », « toucher d’autres publics », « mener le combat sur le champ de bataille »… Depuis quelques années, les macronistes multiplient les formules pour justifier leur présence sur les antennes de Bolloré. Vivement critiqué après son passage dans l’émission de Cyril Hanouna, le député Renaissance Quentin Bataillon, président de la commission d’enquête parlementaire sur la TNT, a d’ailleurs tenté de les recycler. « Je pense qu’il faut parler à tous les publics », a-t-il indiqué sur France Info.    ______________ Sous couvert de « pédagogie » à destination du public de « Touche pas à mon poste » (TPMP), « et notamment des plus jeunes », Quentin Bataillon a surtout participé au dévoiement des institutions en sortant totalement de son rôle et de la neutralité qu’il impose. L’épisode a déplu jusqu’à l’Élysée, qui n’a pourtant rien trouvé à redire, ces dernières années, au défilé de ministres dans l’émission de Cyril Hanouna. En 2019, Marlène Schiappa avait même coanimé une émission avec ce dernier, contribuant ainsi à sa légitimation dans le champ politique.    ____________Avec ses multiples passages sur CNews, ses tribunes dans le JDD ou encore sa nouvelle maison d’édition – elle vient de signer chez Fayard, désormais propriété du milliardaire breton –, l’ancienne ministre est devenue une grande habituée de la galaxie Bolloré. Elle ne manque d’ailleurs jamais une occasion de défendre celle-ci, comme récemment encore, toujours sur le plateau de Cyril Hanouna, où elle est venue dire tout le mal qu’elle pensait de certain·es député·es de la commission d’enquête.   _________En 2021, Marlène Schiappa avait même lancé dans l’atmosphère l’idée selon laquelle l’animateur préféré de Vincent Bolloré pourrait coanimer le débat d’entre-deux-tours de la présidentielle. Passé les rires, la proposition a l’air de rien cheminé dans les esprits. Car si Emmanuel Macron n’a jusqu’ici jamais répondu aux invitations de Cyril Hanouna, son entourage n’insulte plus l’avenir. « Désormais, c’est lui qui incarne la politique sur C8, je pense que la question doit être examinée », indique un conseiller.                                                                                                                 Avec le temps, les figures de la « Bollosphère » ont profité de leurs relais dans les cercles du pouvoir pour se rapprocher de son cœur. Comme le racontait Le Monde au mois de décembre, le milliardaire lui-même échange de nouveau avec Emmanuel Macron. Le 13 mars au soir, juste après son audition devant les parlementaires de la commission d’enquête sur la TNT, il était encore à l’Élysée pour la cérémonie de décoration du patron de LVMH, Bernard Arnault, élevé à la plus haute dignité de la Légion d’honneur par le président de la République.___Pascal Praud, autre animateur phare de la galaxie Bolloré, a lui aussi plusieurs fois textoté avec le chef de l’État. À l’Élysée, il échange régulièrement avec le conseiller mémoire Bruno Roger-Petit, qui fut par le passé l’un des chroniqueurs de son émission. Il est même arrivé que ce dernier mette sa conversation sur haut-parleur pour en faire profiter Brigitte Macron. Selon Le Monde, Pascal Praud, qui n’hésite jamais à fustiger le « système » tout haut, en a même profité pour s’excuser tout bas des « vilenies » qu’il distille à l’antenne contre son époux.                                                             Les bonnes relations entretenues au plus haut niveau de l’État avec les figures de la « Bollosphère » ont tout naturellement infusé le reste de l’écosystème macroniste, où chacun évite les critiques. Les rares personnalités à s’être ouvertement inquiétées de la bataille culturelle conduite par les médias du groupe l’ont d’ailleurs payé très cher. Ce fut notamment le cas de l’ancien ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye – qui avait affirmé que CNews « était clairement d’extrême droite » –, mais aussi de sa collègue Rima Abdul Malak.                                              Pour avoir simplement rappelé que les chaînes du groupe Bolloré étaient soumises, comme tous les diffuseurs, à des règles précises qu’elles ont plusieurs fois enfreintes ces dernières années, la ministre de la culture a fait l’objet d’une large campagne de dénigrement sur C8 et CNews. Et ce, sans recevoir de soutien en interne. Auditionnée en mars par la commission d’enquête parlementaire sur la TNT, elle a cependant estimé que lier son départ du gouvernement à ces prises de position relevait de « la politique fiction ».           Également cible de nombreuses attaques après ses propos sur CNews, Pap Ndiaye n’avait, lui non plus, pas franchement été soutenu par ses collègues. L’un d’entre eux, Stanislas Guerini, était même allé jusqu’à prendre ses distances ouvertement sur Europe 1 : « Si je pensais qu’Europe 1 était une radio d’extrême droite, je ne serais pas venu ce matin », avait-il déclaré. À l’époque, face à la virulence des attaques, le chef de l’État avait certes évoqué la liberté d’expression de son ministre, mais en prenant soin de ne rien dire sur le fond de sa prise de position.    _____Car dans l’écosystème macroniste, chacun est conscient des risques encourus par celles et ceux qui osent émettre une critique sur les médias Bolloré. Selon plusieurs sources au sein de la majorité présidentielle comme du gouvernement, beaucoup craignent d’être « boycottés » par ces derniers ou de souffrir à leur tour d’une « mauvaise presse ». Les éditoriaux ad hominem, les commentaires déplaisants ou les petites phrases glissées ici ou là… La machine peut rapidement se mettre en marche. « Il y a clairement une forme de peur », reconnaît un conseiller ministériel.Certains ont directement fait les frais de leur liberté d’expression, à l’instar du député Renaissance Christopher Weissberg, qui n’a jamais plus été invité sur CNews après y avoir critiqué en direct sa ligne éditoriale. « C’était en pleine grève des journalistes du JDD, se souvient-il. Je me suis dit que c’était l’occasion idéale d’aborder le sujet. Immédiatement, j’ai été attaqué et insulté par certaines personnes autour de la table. C’était dingue. » Après avoir saisi l’Arcom au sujet des propos tenus par Pascal Praud liant les punaises de lit à l’immigration (sortie qui lui a depuis valu une mise en garde du gendarme de l’audiovisuel), l’élu a également eu droit à quelques messages gratinés de l’animateur. _____Au début de son mandat, Christopher Weissberg a lui-même plusieurs fois participé à des émissions sur CNews. « Lorsque vous vous lancez, il n’y a pas beaucoup de formats politiques dans lesquels vous êtes invités régulièrement et qui vous permettent de vous exprimer un peu longuement », dit-il. Mais il a rapidement compris que l’exercice était vain, voire dangereux : « Comme Murdoch aux États-Unis ou au Royaume-Uni, ce groupe puissant sert de tremplin à l’extrême droite, affirme le député Renaissance. On est en train de lui donner les clés. C’est une guerre culturelle qui se joue et on perd quasiment toutes les batailles idéologiques. »                                                                                                     Rares sont celles et ceux, au sein de la majorité présidentielle, à avoir pris conscience de ce danger. L’attrait pour la lumière, la volonté de parler au plus grand nombre, une forme de naïveté… Plusieurs raisons expliquent l’omniprésence des macronistes dans les médias Bolloré. Mais la principale est plus triviale encore. « Chez nous, certains pensent comme CNews, confie un cadre du parti présidentiel. Pour eux, c’est une chaîne de droite comme une autre. Ils ne voient pas pourquoi ils n’iraient pas sur ses plateaux alors qu’ils acceptent d’aller sur le service public qu’ils considèrent de gauche. »   ____Dans ce contexte de droitisation à l’infini, CNews et C8 sont devenus incontournables. Certains, comme Olivier Véran, ont longtemps refusé de s’y rendre, avant de radicalement changer d’avis. Pour justifier sa venue dans l’émission « Face à Baba » de Cyril Hanouna en janvier 2023, après des années à se targuer qu’il ne participerait jamais à ce type de format, l’ancien porte-parole du gouvernement avait recyclé la formule préférée de l’Élysée : « Il est important d’aller s’adresser à l’ensemble des Français qui regardent la télévision ou qui écoutent la radio. »                                                                                                                                                 Les mêmes arguments avaient déjà été invoqués dès l’automne 2019 lorsque le président de la République avait accordé un entretien-fleuve à Valeurs actuelles, alors sous la direction de Geoffroy Lejeune, pour parler immigration, sécurité et identité. L’épisode était très vite apparu comme l’un des tournants du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Une entrée fracassante dans l’ère du confusionnisme macroniste où tout se vaut et où rien n’est grave. Depuis lors, et malgré ses dénégations, le pouvoir a largement contribué à la contamination du débat public par l’extrême droite.  Car contrairement à ce que prétendent celles et ceux qui estiment nécessaire de « mener le combat sur le champ de bataille », les membres du gouvernement et de la majorité qui regardent en boucle les chaînes du groupe Bolloré et s’y expriment souvent n’y mènent aucune offensive. Convaincus que les questions de Pascal Praud, Cyril Hanouna ou Sonia Mabrouk reflètent une grande partie de l’opinion française, ils viennent au contraire valider leurs obsessions. Et normalisent, dans le même temps, leur entreprise de désinformation. " [Ellen Salvi _ Merci à Mediapart   ___________________________

dimanche 14 avril 2024

Point d'histoire

 Ça s'est passé un 14 avril

       Le naufrage du Titanic. On l'appelait l'insubmersible

               Il est devenu un symbole: 

                                        "...Beaucoup d'autres navire ont coulé depuis le Titanic, avec parfois des catastrophes aussi ou plus meurtrières, par exemple le 7 mai 1915 le Lusitania, paquebot britannique coulé par un sous-marin allemand, 1200 personnes disparaissent  sur 2000 passagers. Le 21 décembre 1987 la Dona Paz, navire parti des Philippines, heurte un pétrolier, il y a plus de 1500 victimes, certains à cause du navire surchargé vont jusqu'à penser qu'il y a eu  4000 disparus. Le 28 septembre 1994 l'Estonia  coule en mer Baltique, plus de 800 passagers périssent.   Le 26 septembre 2002 le Joola, navire sénégalais, coule au large de la Gambie avec plus de 1800 personnes à bord, alors que la capacité légale était de 500 passagers. L'Al-Salaam Boccaccio, un ferry égyptien, coule en mer Rouge le 3 février 2006, causant la mort de plus de 1000 personnes .Le 21 juin 2008 le ferry-boat  Princess Of The Stars coule avec plus de 800 personnes près des Philippines à la suite d’un typhon. De façon spectaculaire le 13 janvier 2012 l’énorme  navire de croisière Costa Concordia, après avoir déchiré sa coque contre des rochers, s’échoue sur une ile italienne, il y aura 30 victimes sur plus de 4000 passagers et membres d’équipage.                                    ___ Aucun navire n’a été suivi d’une telle mythologie comme celle du Titanic. Certes il y a son nom qui est synonyme de  démesure, ensuite l’ouvrage  de 1898 (« Futility » de Morgan Robertson) dans lequel un transatlantique coule, il s’appelait «  le Titan »…   ___ Mais le mythe tient surtout à cet engloutissement qui est,  pour certains, le symbole  d’un monde où l’on mettait en avant le progrès,  les  hiérarchies,  la toute-puissance de la technique, c’est ce monde qui disparait dans les abimes.  d) Le Titanic avait quelque chose du Rex, paquebot transatlantique qui surgit du film de Frederico Fellini en 1973, Amarcord. Les habitants du village montent dans des barques pour aller le voir passer une fois par an, tout  illuminé  et luxueux dans la nuit, image fugitive et  inaccessible, puissante et dérisoire. 


                                                                                                                                             
 3) Le Titanic et notre monde.   a) On est frappé aujourd’hui par le fait que le mot est désormais symbolique d’une situation personnelle et /ou collective catastrophique.  « Si tu continues comme çà tu vas te retrouver sur le Titanic ! », « Le monde est devenu un véritable Titanic ! ». Il est maintenant assez fréquent d’entendre  dire de telle ou telle conférence  internationale  qu’elle n’a  fait  que « se tenir à bord du Titanic. »  b) Certains se demandent en effet si l’humanité ne s’est pas embarquée, malgré elle et/ou avec elle, dans un monde autodestructeur, terricide et humanicide, et s’il n’est pas vital non seulement de ralentir la vitesse de ce navire suicidaire mais, surtout, d’essayer de le faire changer de route, voire de changer et le navire et la route.                                                                                      c) Cette analyse proposée ne se veut pas exhaustive que ce soit par rapport aux causes du naufrage du Titanic ou par rapport aux remises en cause d’un système qui irait vers la perte de l’humanité et de l'ensemble du  vivant. Ce "billet" a pour simple objectif de souligner quelques repères.      N’est-il pas important et ne peut-il pas être porteur de se demander quelles sont les leçons à tirer du drame du Titanic pour notre monde en cette deuxième décennie  du XXIème siècle ?                                ....I - Les leçons du temps de l’avant- catastrophe du Titanic. Nous pouvons penser  qu’il y a au moins quatre leçons vitales pour le présent et l’avenir.   -Remettre en cause    l ’aveuglement   de la compétition mortifère.1) En 1912 la Compagnie du Titanic avait construit le navire le plus grand, porteur du plus grand luxe, et le plus rapide. Le propriétaire du navire avait peur de ne pas réaliser assez de profits et il avait négligé les mesures de sécurité. Le capitaine se retrouvait sous la pression de  l’exploit  à réaliser, celui de l’une des traversées les plus rapides. Une fois l'iceberg heurté, le  navire s'arrête puis ordre est donné, sur pression du président de la compagnie qui était à bord, de reprendre la route ce qui aggrave l'entrée de l'eau par la proue. Le concepteur du navire, lui aussi à bord, annonce que si le compartiment 5 est noyé le navire coulera. Un nouvel arrêt est ordonné par le commandant, ce sera le lieu du naufrage.   2) Aujourd’hui existent cette compétition effrénée par exemple pour gagner des parts de marché et cette obsession de battre des records de vitesse et de puissance.a) Certains, de loin les plus nombreux sur notre planète, croient que la compétition est naturelle. Elle est liée à la nature humaine, c’est un impératif naturel de nos sociétés, elle est saine, bonne, nécessaire. Il faut être, en tant que personne ou collectivité, parmi les gagnants, faute de quoi on est dans les perdants, la compétition ou la mort ! C’est «  l’évangile de la compétition ».  b) Les autres sont, à ce jour, moins nombreux tant il est vrai que la compétition a colonisé les esprits et que leur décolonisation est difficile. Ils pensent que la compétition est un produit de l’histoire. Elle est variable selon les lieux, les acteurs et les périodes. Le système productiviste la rend omniprésente et omnipotente. C’est ou bien la compétition et ses logiques de mort ou bien la  fraternité à construire face aux périls communs, à construire aussi les coopérations, le "vivre ensemble", le "faire ensemble". Pour mettre aux mondes cette fraternité il faut, personnellement et  collectivement ,  que répondent présents les courages et les imaginations. _____  B-Remettre en cause  la croyance dans la toute-puissance de la techno-science .1) En 1912, avant de disparaitre au fond des abimes, la machine qui se voulait parfaite reposait, entre autres, sur un acier jugé indestructible. Or on découvrit il y a quelques années que, moins solide dans les eaux glacées, il n’avait pas pu résister au choc de l’iceberg.2) Demain  que seront, par  exemple, les grandes technologies de l’ingénierie qui auront pour objectif de « mettre la Terre à l’ombre » face au réchauffement climatique ?____3) Le Titanic c’est aussi le symbole d’une société qui tend à ne plus se donner de limites. Jacques Ellul demandait : « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites ? » Ainsi n’est-ce pas une forme d’atteinte aux droits des générations futures que de leur laisser des déchets radioactifs pour un temps incommensurable ?   4) Lorsque la techno-science tend à occuper toute la place ne faut-il pas la remettre à sa place ? L’enjeu n’est-il pas de construire une techno-science au service des êtres humains et non le contraire ....   C-  Surmonter  l’incapacité à prendre en compte des avertissements.   1)  En cette nuit d’avril 1912 le Titanic aurait dû prendre une route plus au Sud. Un navire, le California  qui naviguait par là , avait envoyé six fois des  signalements  d’icebergs .    2) Dans son ouvrage, « Pour un catastrophisme éclairé », Jean-Pierre Dupuy se prononce pour une autre attitude  face au déni qui nous pousse à ne pas voir les solutions radicales pour empêcher les catastrophes. " Il faut  se projeter dans un avenir quasi certain, celui de catastrophe, pour le modifier et sortir de notre aveuglement et de notre  paralysie "3) Que d’avertissements depuis 1945 lancés face à ce système international devenu autodestructeur !    Avertissements de scientifiques, de philosophes,  d’ONG , d’organisations internationales…François Partant écrivait « Les catastrophistes sont ceux et celles qui ferment les yeux sur les causes des catastrophes et non ceux et celles qui essaient d’avertir, de critiquer et de proposer. »( F.Partant : « La fin du développement »,  La Ligne d’horizon, 1988).   Avertissements par rapport aux sociétés autoritaires, injustes, violentes, destructrices de l'environnement. On examine les effets, et il faut le faire mais on ne doit pas en rester là. Il faut ouvrir les yeux sur les causes. Si l'on veut des sociétés démocratiques, justes, pacifiques, écologiques il faut penser et mettre en œuvre des moyens démocratiques, justes, pacifiques, écologiques.                                                                                                        D - Arriver à  distinguer  l’essentiel  et le détail.  1) En cette nuit de 1912 la radio était toute récente, des passagers l’utilisaient pour envoyer des nouvelles  à leurs proches, les deux opérateurs radio ont  ignoré  ainsi les messages du California , navire qui avait envoyé  des  signalements  d’icebergs . .  2) Dans les vies personnelles et collectives nous confondons, parfois  ou  souvent ou en permanence  selon les cas, l’essentiel et le détail. S’il reste vrai qu’il faut ne pas négliger certains détails  ( " le diable  peut se loger  dans les détails ! " ) , il est vrai aussi  et surtout que l’essentiel ne doit pas être ignoré. Un des exemples les plus criants aujourd’hui est celui de la course aux armements qui constitue une des plus grandes menaces pour l’humanité, or le désarmement est loin d’avoir la place qui devrait être la sienne.  Importantes sont aussi les leçons pendant  les catastrophes.                                                            II - Les leçons du temps de la catastrophe du Titanic.A-Organiser le temps de  l’urgence .  1) Le Titanic est parti avec 16 chaloupes (certes 4 de plus que celles exigées par la loi de l'époque mais il en aurait fallu 51) pouvant contenir 70 personnes chacune, soit un total d’environ 1100 places sur 2200 passagers. Il faudra attendre … 1960 pour qu’au niveau international le nombre de canots de sauvetage soit calculé en fonction du nombre de passagers. D’autre part  sur le Titanic le capitaine est absent au moment crucial, des issues de secours sont bloquées, la gestion des opérations de sauvetage est chaotique, des chaloupes partent presque à vide.   2) Etre prêts à faire face aux urgences voilà qui  a donné le jour   à nombre de   professions,  d’organismes et de moyens aux XXème et XXIème siècles. Par exemple dans certains domaines et  certains  pays des exercices se déroulent régulièrement pour faire  face à des catastrophes.  3) On peut cependant affirmer, sans crainte malheureusement de se tromper, qu’aujourd’hui et demain des menaces et des drames environnementaux et technologiques  auront une grande ampleur et que l’assistance humanitaire est très loin d’avoir les moyens qui seraient vitaux. (Voir sur ce blog "L'assistance écologique", voir aussi actes du colloque sous la direction de Jean-Marc Lavieille,  Michel Prieur, Julien Bétaille, Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit, Bruylant,  2012.)  B-Remettre en cause des inégalités criantes pendant la catastrophe.  ) Le film « Titanic » montre particulièrement bien cet aspect du drame. Il y a eu plus d’hommes sauvés en première classe que d’enfants en troisième classe. Les pourcentages du nombre de rescapés sont criants : 60% en première classe, 44% en seconde classe, 25% en troisième classe.   2) Ces inégalités il faut aussi les combattre à titre préventif, par exemple en créant un statut international de protection des déplacés environnementaux, statut accompagné d’importants moyens. (voir notamment la présentation du projet de statut sur ce blog,et voir aussi  Jean-Marc Lavieille, Jean-Pierre Marguénaud, Julien Betaille, Revue européenne de droit de l’environnement(REDE) , n°4,2008)       C-La nature humaine peut tout être, le pire et le meilleur, il faut construire le meilleur.   1) Il y a au moins trois façons de se situer par rapport à la nature humaine. Certains pensent qu’elle est mauvaise depuis toujours et à tout jamais, d’autres pensent qu’elle est bonne depuis toujours et à tout jamais, d’autres enfin pensent qu’elle peut tout être, le meilleur et le pire, cela  selon les volontés, les évènements, les marges de manœuvres…Les attitudes au moment du drame du Titanic vont, elles aussi, dans le sens de ce tout est possible   2) Au moment du drame  du Titanic des personnes ont donné leurs places à d’autres pour monter dans les chaloupes, les musiciens ont joué sur le pont le plus longtemps possible, des couples ont fait le choix de rester  ensemble alors que l’un des deux pouvait encore partir. Et il y a  même, dans le film déjà cité, le jeune amoureux venant mourir  dans l’eau glacée, près du radeau à une seule place donnée à celle qu’il aimait.  Et puis il y a aussi ceux qui ont pris la place d’autres personnes dans des chaloupes, ceux qui à coups de rames ont assommé des survivants qui dans l’eau essayaient de monter sur ces embarcations de sauvetage.   3) Cette réalité n’est pas seulement  celle  du Titanic mais de nombreuses attitudes personnelles et collectives, passées, présentes et probablement à venir : on trouve des attitudes intermédiaires et,  ici et là, des attitudes extrêmes.    4) Sans doute serait-il porteur, de la maternelle à l’université, de multiplier les théories et les pratiques de solidarités, de mettre en place de véritables éducations aux droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, aux droits des peuples, à ceux de l'humanité, éducation aussi  à l’environnement, éducation à la paix à travers l’apprentissage du règlement non-violent des conflits.......Période de précaution,  il faut agir autrement afin d’éviter la multiplication et l’aggravation des catastrophes pouvant causer des dommages  graves ou irréversibles pour les générations présentes et futures.2) Certains en arrivent à se demander  si, pour que le monde change aujourd’hui, il n’y a plus que la pédagogie des catastrophes ?Encore faut-il  comprendre et tenir compte de cette pédagogie, or les situations sont variables, elles vont du statu quo, en passant par des améliorations, en allant plus rarement  jusqu’à de véritables remises en cause...."  
      ___ Relire: Le paradoxe de Fukushima.   __________________________

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